Pourquoi accroître son estime de soi ne fonctionne jamais ?

Le concept d’estime de soi obnubile énormément de personnes qui pensent beaucoup mais agissent peu, qui s’inquiètent de ce que l’on dira d’eux plus qu’elles ne font.
Développement personnel

Pourquoi accroître son estime de soi ne fonctionne jamais ?

Pourquoi accroître son estime de soi ne fonctionne jamais ? 1880 1094 Christophe LE BEC

Sur les réseaux sociaux et YouTube, des thérapeutes, formateurs ou coachs, promettent d’enseigner LA solution pour avoir enfin une bonne estime de soi. La promesse peut sembler alléchante, mais selon moi, si on analyse la réalité derrière cette idée, on s’aperçoit rapidement qu’il s’agit d’un leurre, d’une quête forcément vouée à l’échec.

Qu’appelle-t-on l’estime de soi ?

L’estime de soi vient d’abord du verbe estimer : « Déterminer la valeur d’un bien, le prix d’un objet par expertise ; évaluer. Attribuer telle valeur, telle importance à quelqu’un, à quelque chose ; juger, apprécier : Estimer un collaborateur à sa juste valeur. », dixit le Larousse.

Il me parait important de conscientiser que toute valeur fluctue à un moment ou un autre, que cette estime ne peut jamais rester positive en permanence. Elle va dépendre de nos pensées, du contexte, de notre manière de répondre aux évènements, de l’attitude des autres à notre égard. De là à imaginer que si l’on entretenait des pensées positives en permanence, cette fameuse estime de soi pourrait rester haute de façon constance, il n’y a qu’un pas. De nombreux auteurs à succès et de nombreux coachs exploitent cette croyance et cet espoir depuis des années dans des livres de développement personnel, des formations et des accompagnements vendus très chers.

L’estime de soi, un concept vide

Selon Richard Bandler, inventeur de la Programmation neuro-linguistique (PNL), « L’estime de soi est juste un stupide anthropomorphisme que les psychologues ont fabriqué pour ceux qui pensent trop ». Il n’a pas tort. Le concept d’estime de soi obnubile énormément de personnes qui pensent beaucoup mais agissent peu, qui s’inquiètent de ce que l’on dira d’elles plus qu’elles ne font. Il me revient en mémoire une interview qu’avait donné le chanteur Abd al Malik il y a une dizaine d’années et qui m’avait marquée à l’époque. Au journaliste qui lui demandait s’il avait encore des rêves, Abd al Malik sembla décontenancé par la question, puis il finit par répondre à peu près ceci : « En fait, je n’ai pas de rêves. Quand j’ai envie de faire quelque chose, je le fais. Je préfère faire plutôt que rêver. Ça ne m’intéresse pas de rêver. »

L’évidence avec laquelle il avait dit ces mots m’avait interpelé. Je sentais qu’il disait quelque chose de profondément juste. Simple et juste. Je ne pouvais que constater que je rêvais beaucoup alors que de son côté, il agissait.

La personnalité

Renforcer ou augmenter son estime de soi me parait la pire des idées. Voici pourquoi. Renforcer ou accroitre l’estime de soi a pour conséquence le renforcement de la personnalité dans ses certitudes sur vous-même. De fait elle concourt à rigidifier ce que vous pensez de vous-même, mais aussi des autres. Il s’agit ni plus ni moins d’un besoin narcissique qui restreint vos possibilités !

Il me se semble bon de rappeler que chacun crée sa personnalité, il ne s’agit pas de quelque chose d’innée. Nous avons construit notre personnalité pour nous protéger de la peur de ne pas recevoir d’amour. Et cette peur nait du sentiment d’imperfection qui habite chaque être humain. Cela commence dès la petite enfance quand l’enfant, incapable de se débrouiller par lui-même, comprend qu’il a absolument besoin de conserver l’amour de ses parents ou de ceux qui s’occupent de lui pour ne pas mourir, puis plus tard l’affection de ses amis, le respect de ses professeurs, etc. Les remontrances de nos parents, souvent maladroites, nous font rapidement comprendre que l’amour se donne sous conditions : faire preuve d’obéissance, de politesse, de calme, ne pas hurler, ne pas faire de caprices, dire bonjour à la dame, etc.

Un carcan étroit

Pour masquer le fait que nous nous voyons comme des être insuffisants, pas assez beaux, pas assez bien élevés, pas assez brillants… notre personnalité qui fait office de masque social, de paravent protecteur pour protéger ce que nous avons de plus fragile en nous : cette part blessée, cette faille fondamentale apparue pendant la petite enfance.

La personnalité se révèle une prison étroite, une vision limitante de soi-même. Et l’estime de soi ne fait qu’aggraver cette perception rigide de soi dans le temps.

Oublier de s’estimer !

De fait, l’estime de soi n’existe pas réellement pour celui qui fait, qui agit sans jamais s’accrocher aux pensées, aux diktats de la réussite, aux injonctions de la société ; tout simplement parce qu’il n’en a pas besoin pour se narcissiser. Il n’a pas besoin de s’accrocher à une identité pour faire ce qu’il a à faire. Il agit de façon très naturelle et spontanée pour répondre à ses besoins réels.

Pour résumer mon propos, une personne équilibrée, ancrée, bien dans la vie ne pense pas sa vie, elle la vit. Elle ne croit pas que pour se sentir heureuse, elle doive d’abord réussir à atteindre des objectifs ou posséder certains attributs. Elle trouve sa joie dans son engagement dans la vie-même. Elle n’a pas l’obligation de faire quelque chose ou d’atteindre un but, elle n’a même plus la quête du « bonheur ». Ne rien faire, suffit !

Méritocratie

Estime de soi et mérite vont bien ensemble. Pour s’estimer, encore faut-il le mériter. Il suffit de jouer mentalement avec ces deux mots pour ressentir à quel point ils se répondent, s’auto-alimentent. Toute la société capitaliste se fonde sur cet axiome. Il s’agit d’une manière, consciente ou non, je ne sais pas, de tenir la population. L’église à jouer ce rôle durant des siècles avec le pêché et l’ordre moral. Aujourd’hui, le capitalisme et la démocratie moderne s’en chargent avec le dépassement de soi et la méritocratie. Le pouvoir, la position sociale, l’excellence, l’argent, mais aussi le bien-être et les plaisirs se méritent. Le marché et les gouvernements qui défendent les intérêts privés des puissants ne parlent que de cela : méritocratie, dignité par le travail. Cela donne des pensées toutes faites répétées à l’envi sur les plateaux de télé, dans les programmes de bien-être, de fitness, yoga, méditation… « Vous devez vous améliorer, vous dépasser, devenir la meilleure version de vous-même, rêver plus grand, atteindre de vos objectifs, marcher 8000 pas, etc. ». Le postulat de toutes ces affirmations : vous ne méritez pas de gagner tel que vous apparaissez aux yeux des autres, vous devez vous améliorer et vous adapter. Les coachs, formateurs, profs de fitness, supérieurs hiérarchiques, vont vous l’expliquer et vous indiquer la marche à suivre pour devenir… comme eux !

Vous voilà donc enjoint de vous adapter en suivant les méthodes de personnes qui ne vous connaissent pas (contrairement à ce qu’elle affirment). Personne ne peut vous dire ce que vous devriez faire ni comment le faire. Vous n’avez pas à « gagner votre vie », vous avez simplement à la vivre sans vous cacher.

Pour finir, je vous propose quelques citations que je trouve éclairantes.

« Ma bénédiction : « Que vos rêves ne se réalisent pas », car vos attentes proviennent d’une perception limitée de la vie. Puissiez-vous vivre au-delà de vos rêves. »

SADHGURU

« Dans le cœur du Vivant, aimer est un verbe d’action plus qu’un sentiment. »

Issa PADOVANI

“Tous ces récits (sur le mérite et le génie individuel) ne servent qu’à invisibiliser les vraies dynamiques des expériences humaines, de rendre individuel et soudain ce qui est ancré dans un écosystème, un continuum, et in fine de dépolitiser les trajectoires sociales en les renvoyant à la psychologie et biologie des individus.”

Samah KARAKI

Christophe LE BEC

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