L’ÉCOLOGIE DU SOI

L'homme qui agit concrètement pour sa survie devient responsable de lui-même, il n’éprouve plus le besoin de rêver, et cette économie du loisir et du divertissement n’a simplement plus de sens ni de place dans sa vie.
Le temps n'est pas linéaire, mais vertical

L’ÉCOLOGIE DU SOI

L’ÉCOLOGIE DU SOI 1280 851 Christophe LE BEC

Il n’y a aucun retour à soi, sans syntonie, sans un ancrage puissant à la terre. L’être humain ne peut vivre ailleurs que sur la terre, son écosystème. La nature, le vivant, nous en faisons partie. Intégralement. Au même titre que la fourmis et la feuille de l’arbre, que l’eau de la rivière, que l’air que nous respirons. Prendre conscience de cela a des implications très importantes. Faire partie du vivant, cela sous-entend que l’on se place à l’intérieur de la nature et non au-dessus. Cela signifie accepter de jouer notre rôle dans cette nature, accepter de nous inscrire dans les cycles du vivant en adoptant ses rythmes. Respirer au rythme de la nature, poser les pieds sur la terre et marcher d’un pas lent et inéluctable, cela implique obligatoirement de ralentir. Ralentir immédiatement, sans autre intention. Sans cela, aucun retour à soi ne me semble envisageable.

Écologie, signifie vivre en conscience

Je m’aperçois de plus en plus que l’homme moderne évolue dans un milieu qui l’extrait de plus en plus du vivant. La révolution industrielle et l’avènement des énergies fossiles l’ont fait abandonner une économie de subsistance centrée sur les sols et l’artisanat au profit de l’économie de marché capitaliste. Il s’agit d’une religion basée sur la croissance infinie et la satisfaction de besoins qui n’existaient pas quelques décennies en arrière. L’homme occidental du XXI ème siècle oriente toute son énergie quotidienne vers l’extérieur pour gagner de l’argent et acheter de quoi s’exonérer de la réalité de la terre : le jour, la nuit, l’eau, le feu, les sols, les animaux, les saisons, le froid ou la chaleur, la pluie ou la sècheresse, les distances, n’ont plus guère d’impact sur lui. L’électricité partout, le réfrigérateur, la machine à laver, le lave-vaisselle, les radiateurs, les ballons d’eau chaude et la plomberie, les ordinateurs, les automobiles, tous les apports de la technologie lui permettent de s’affranchir de la réalité. Il ne se sent plus contraint par elle, il la domine avec une certaine arrogance.

Une société fondée sur la religion du travail

L’homme moderne ne travaille plus pour subvenir à ses besoins fondamentaux en produisant sa nourriture, en construisant sa maison, les objets de son quotidien, en lien avec sa famille et ses voisins. Coupé de ce qui fait l’essence de la vie humaine, il travaille loin de son domicile, dans une forte concurrence avec les autres, pour gagner suffisamment d’argent pour s’acheter de quoi satisfaire sa soif d’exister. Écrans, jeux vidéos, voitures toujours plus imposantes et connectées, frigos intelligents, domotiques, aspirateurs autonomes, lui donnent une illusion de liberté en faisant de plus en plus d’actions à sa place. La nourriture provient du supermarché, autrement dit de nulle part ou de partout, d’un ailleurs non pensé, dont on se fiche éperdument puisqu’il n’a plus de réalité tangible. Les animaux élevés en batterie, les légumes pesticidés à outrance, les ouvriers agricoles exploités n’existent pas dans la lumière crue des rayons. Les voyages des bananes comme les voyages des touristes se font en avion en s’exonérant du voyage lui-même, c’est-à-dire du temps nécessaire pour se rendre à l’autre bout de la France ou de la planète. Invisibilisé, mis à distance par cette économie décorrélée du réel, le vivant se voit réduit au rang de ressource à exploiter. L’homme moderne se sent de plus en plus insatisfait et malheureux dans cet univers mouvant et sans repère. Il a l’impression d’avoir accès à tout, et en réalité il n’a plus rien. L’innovation technologique, la dématérialisation des services et des échanges commerciaux ou avec les administrations accentue encore le phénomène. Plus ça va, plus l’homme moderne se sent coupé de ceux avec qui il interagit. De plus en plus, il achète l’usage, mais perd la propriété des objets qu’il utilise : voiture, musique et films en streaming, ebooks, logiciels, paiement sans contact…

La technologie basée sur les énergies fossiles représente une victoire sur le temps, le dépassement de toutes les limites humaines. Elle permet de multiplier les possibilités d’actions, comme si des centaines d’esclaves invisibles travaillaient à la place de chaque individu. L’homme moderne domine la nature et ses ressources, il domine les éléments, le temps. Il domine également les plus pauvres et les plus fragiles qui travaillent pour des salaires dérisoires aux quatre coins de la planète pour extraire les matières premières ou produire les objets qu’il achète.

Courir

En a-t-il conscience ? Je n’ai pas vraiment cette impression. Il regarde ailleurs, là où ses envies l’emmènent, comme enivré par le consumérisme. Cette frénésie accélère son métabolisme, ses pensées, ses envies, et l’empêche de prendre conscience qu’il vit dans une illusion totale. Cette quête du toujours plus accélère le temps et le cerveau des individus. L’homme moderne vit sous une pression permanente pour en faire toujours plus, se montrer plus productif, plus adaptable, qu’il s’agisse du travail, de la performance sexuelle, du sport, des vacances, de ses pensées, etc. Obligé de s’adapter aux contraintes économiques dans des métiers qui ne servent que rarement le bien commun, il s’éloigne chaque jour de sa vraie nature et du réel. À mesure qu’il achète des objets toujours plus sophistiqués, il perd le lien avec la réalité de la vie. Sa voiture s’ouvre simplement en approchant de la portière, les rétroviseurs se déploient automatiquement, le siège chauffe pour ne pas ressentir le contact froid du siège au moment de s’asseoir, un simple appui sur un bouton suffit à démarrer le moteur, les feux de croisements s’allument automatiquement, un ABS, un antipatinage, une caméra de recul, un régulateur de vitesse, assistent le conducteur à chaque instant, le GPS lui indique la route à suivre. Entouré de technologies d’assistance, il perd petit à petit le contrôle de son véhicule et le savoir-faire. Il perd en liberté ce qu’il gagne en confort apparent. Sans trop s’en apercevoir, il évolue dans un monde qu’il ne maîtrise plus, un monde régit par les normes et les procédures. Les marges de manœuvres, les décisions personnelles deviennent de plus en plus réduites, les possibilités d’enfreindre les règles s’amenuisent également : cartes bancaires, caméras de surveillance, géolocalisation, radars, pistent et surveillent les individus en temps réel. Une vie aussi accélérée et aussi contrôlée par la technologie ne permet plus de voir le vivant autour de soi. L’homme moderne marche en téléphonant, il regarde un film sur son smartphone dans les transports en communs, et dans certains pays il dort dans sa voiture autonome.

L’exploitation

La course au profit n’offre le bonheur à personne. Je peux vous garantir qu’aucun des 8 milliardaires qui possèdent autant que les 4 milliards de personnes les plus pauvres ne connaît le bonheur. Cette course en avant génère trop de stress, trop de concurrence, trop de guerres et de batailles. Considérer la terre comme une simple ressource dont on dispose rend avide. Il s’agit d’une course sans fin ou les dominants vivent sur le dos des dominés et où le moindre relâchement vous coûte votre place. Ce système ne fait en réalité que des perdants.

Revenir au réel

L’homme moderne ne perçoit plus ce que signifie consommer 150 litres d’eau chaude pour une douche. Il actionne un mitigeur et l’eau surgit à la température idéale, en un jet constant et généreux sous lequel il apprécie de se détendre de longues minutes. S’il devait prendre le temps de chauffer lui-même cette eau, il se laverait immédiatement avec 3 à 7 litres d’eau et non 150. Il le ferait non par une miraculeuse prise de conscience qu’il convient d’économiser l’eau ou de réduire son impact écologique, il le ferait simplement parce que chauffer de l’eau demande du temps : chauffer l’eau, la mélanger avec de l’eau froide pour déterminer la température idéale, puis transporter cette eau de la cuisine à la salle de bain, remplir le réservoir d’une douche portable… Tout à coup, sans avoir besoin de s’appuyer sur un discours idéologique, l’homme qui chauffe son eau pour prendre une douche ou un bain prend conscience de la valeur de l’eau. Il en va de même avec la cuisson au feu de bois. Glaner du petit bois, le faire sécher, veiller à avoir des stocks suffisants, puis alimenter le foyer d’une cuisinière à bois ou d’un rocket stove demande du temps, de la présence. Il ne faut pas trop nourrir le feu ni le laisser trop faiblir. Tout à coup, le bois et l’eau retrouvent une valeur incroyable, quasi divine et l’homme redevient vivant.

Responsable de lui-même

Ce que l’on nomme l’écologie correspond simplement au mode de vie d’avant la révolution industrielle. L’écologie ne saurait s’expérimenter autrement que dans la contrainte du réel, lorsque l’individu se trouve au cœur du vivant, en lien avec la terre et qu’il fait un maximum de choses par lui-même. Faire soi-même représente selon moi le levier unique du retour à soi, de l’ancrage, de la présence au vivant, et la plus puissante des libertés. Il n’y en a pas d’autre. Chacun peut décider maintenant de faire lui-même un maximum d’actions pour subvenir à ses besoins essentiels. Sans cette mise à l’épreuve du réel, l’écologie, le retour à soi, le bien-être émotionnel, la paix intérieure, la joie sans raison, demeurent des mots vides de sens. L’homme qui agit concrètement pour sa survie devient responsable de lui-même, il n’éprouve plus le besoin de rêver, et cette économie du loisir et du divertissement n’a simplement plus de sens ni de place dans sa vie.

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