Voyage au bout de ma nuit

Comment pourrait-on aimer si on ne s’aime déjà pas soi-même ? Pendant toutes ces années, j’ai vécu planqué dans un faux-self parfaitement maîtrisé, assemblé avec soin depuis mes 5 ans pour survivre dans un monde que je percevais comme trop hostile, trop compliqué pour moi.

Voyage au bout de ma nuit

Voyage au bout de ma nuit 500 332 Christophe LE BEC

Parfois, la nuit s’impose, et tout disparaît, la joie, les autres, le sentiment de pouvoir survivre même ! Une lutte s’engage alors entre le désir de sortir de cette situation en cherchant des coupables et des solutions à l’extérieur de soi, et le désir ardent de plonger pleinement dans cette nuit sourde et profonde, de s’y abandonner totalement.

Depuis la petite enfance, j’ai vécu la tristesse et la colère mêlées à la peur, au désarroi. J’ai grandi dans le rejet de moi-même, et je me suis ainsi abandonné moi-même, perdu de vue pendant près de 50 ans. Je détestais profondément ce que je suis. Je ne m’aimais pas et je n’ai par conséquent jamais vraiment pu aimer totalement ni pu me laisser aimer totalement par personne pendant des années. Comment pourrait-on aimer si on ne s’aime déjà pas soi-même ? J’ai très longtemps vécu planqué derrière un faux-self parfaitement maîtrisé, assemblé avec soin depuis mes 5 ans pour survivre dans un monde que je percevais comme trop hostile, trop compliqué pour moi. J’ai crée un personnage de grand enfant immature qui quémandait de l’aide à grand coups d’auto-sabotages, d’envolées suicidaires sociales. Ce romantisme morbide, cette mise en scène d’un malheur indépassable, théâtralisé, a fait office de stratégie, une stratégie comme une autre qui a eu son utilité. Elle me permettait de ferrer un sauveur, une âme charitable qui me prenait en charge à ma place alors que je ne m’en sentais tout simplement pas capable, qui agissait en mon nom pour me sauver de moi, pour me sauver malgré moi.

Aujourd’hui, cette stratégie n’a plus aucune utilité. En fait, mon univers m’a littéralement pété à la gueule. Un jour, cette stratégie n’a simplement pu été possible. J’ai senti que je m’effondrais, que je tombais dans un puit sans fond. Après avoir entrepris la déconstruction de ce personnage, de ses mécanismes d’actions qui lui permettait de mettre les autres au service de son histoire, de sa petite narration personnelle, j’ai tout lâché : femme, enfant, maisons, animaux, et même mon cabinet de thérapeute pendant plus de 7 ou 8 mois. Plus de boulot, pas de logement, pas de pognon, pas d’avenir.

Je me voyais incapable d’autre chose que de descendre toujours plus profondément, de lâcher tous mes liens. M’enfoncer, m’enfoncer encore dans la profondeur sourde de la peur et du désarroi. Il n’y avait alors plus de pensée, les jugements et les attentes avaient sauté eux aussi, et le silence s’est répandu dans ma nuit. J’ai renoncé à être de quelque manière que ce soit. Je ne voulais plus rien. Je ne me demandais même plus jusqu’où j’allais descendre encore, ni combien de temps ça pouvait durer…

La panique a fini par laisser la place et le calme est revenu comme après la tempête. Je me sentais vide et anéanti, défait. Je ne savais pas si cet état allait durer un jour, une semaine, toujours. Je constaté simplement le calme vide de sens et de peur. Et si ça durait jusqu’à la nuit des temps, j’étais d’accord avec ça. Je n’avais ni la force ne l’envie de lutter.

Christophe LE BEC

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  • C’est pas évident d’écrire sur ce que témoigne les écrivains c’est à dire ceux qui écrivent mais j’aime les lire . J’ai une grosse tendance à comparé et juger mais cela n’est pas constant puisque je suis inconstante sans arrêt . Cela je l’ai compris vient de conditionnent que je ne fais que de témoigner. Vous lire aide . Ce respect de voir des êtres avec tout et de les retrouver avec rien . J’en fais parti . Je suis là et franchement ce n est pas la joie . Je ne sais pas toujours pourquoi mais ce qui est fou c’est que je saisi bien que si c était à faire rien ne devrait être autrement . Est ce la peur du changement de toute façon . Et pourtant pourtant je ris je pleure beaucoup mais je ris quand je vois . Je vois la vérité parfois et je trouve cela drôle . Certes j’ai besoin de rire . Tombez dites vous . Il est si fou de penser que tout doit tomber .
    Pour le coup j ai peu de motivation mais quand il y a une énergie qui ressort de ça alors le goût est incroyablement brut et vrai . Je vous remercie d écrire .
    Il ne faut pas toujours se prendre au sérieux mais savoir communiquer est je trouve important car sinon la solitude me tuerait .

    • Merci pour votre commentaire. Rire, pleurer, tomber, je vois de plus en plus que cela n’a pas d’importance en soi. Il y a juste des expériences, et je sens que le refus de vivre ce qui est, le refus d’être tel que je suis a perdu sa force. Pour un jour, pour toujours ? Aucune idée. Je n’ai juste plus envie ni les moyens de résister. Dans cet abandon, il y a le calme et la vie toute entière.

  • Bonjour Christophe.
    Il y a, tant de lucidité et de courage chez vous… Que je ne lis que rarement ailleurs en francophonie
    Et pourtant subsiste un certain désarroi.
    Peut être…
    Regarder la peur droit sans les yeux et elle s’évapore définitivement.
    Reconnaître que ce qui Est c’est l’amour, ni plus… ni moins.

  • en chemin …. t es en chemin … tu actives le cerveau de lumiére.
    ca chasse le contenu qui te fait te sentir mal ou bien … tu bascules.
    attention a la sentimentalité.
    controlez l esprit …
    c est facile … changer les croyances qui vont changer les emotions qui font changer ta perception puis l experience.
    penser ce qui te fait du bien, controlez cela. se forcer meme a penser ce qui fait te sentir bien.
    c est la maitrise de la destinée. puissance pointra son nez dans ce processus.
    bien sur faut savoir ce qu on veut.
    apres c est la pratique … la pratique …
    en gros t as pas besoin de spiritualité mais de la discipline.
    c est ma perception.

    • Merci pour ce commentaire. Je t’avoue que je n’ai aucune envie de maîtriser ma destinée ni de me tenir à une pratique. Pour l’instant en tout cas ! Je me contente de voir ce qui est là.

  • Je tombe sur ton texte par « hasard ».
    Juste, envie de simplement prendre ta main, dans ce cercle amical que j’imagine souvent, et qui peut tout contenir.

  • Ce que tout être humain cherche c’est l’amour, l’amour qu’il n’a pas reçu de sa mère, ce lien d’attachement souvent raté et fantasmė qui est une quête sans fin et que peu savent trouver une fois adulte. .

    • Merci pour ton commentaire. Il me semble pour ma part que l’amour est en nous, qu’il est nous, en tant qu’essence. Effectivement, l’amour de la mère, tout ça me semble juste. Mais le passé n’a pas d’autre existence que notre mémoire personnelle. L’amour de soi me semble par conséquent une voie première. S’aimer revient à aimer l’humanité toute entière.

      • De nouvelles recherches en neurosciences nous apprennent énormément sur le fonctionnement de notre cerveau.
        Même si l’hypocampe n’est pas mature avant 2 oun3 ans , avant la verbalisation, le système limbique et l’amygdale cérébrale impliqués dans la peur sont déjà matures à la naissance. Un bébé qui a vécu des traumatismes, que l’on a laissé pleurer s’est senti abandonné et n’a pas pu avoir un attachement secure si cette maltraitance s’est répétée. De nombreuses études sont faites sur la mémoire traumatique et la victimologie et expliquent les dégâts causés et comment traiter les patients . Malheureusement la France est bien en retard dans ce domaine.

        • Merci Linda pour ces précisions. Oui, tu as raison. Simplement, dire tout cela change-t-il la réalité de l’instant ? Naître s’apparente à un traumatisme, vivre nous tue lentement (ou rapidement si on n’a pas de chance). Vivre, c’est mourir à petit feux… Du coup, je ne dis pas que ce n’est pas intéressant, au contraire même, c’est passionnant. Simplement, je dirais que je m’en fiche un peu de comprendre ou de savoir pourquoi je vis ce que je vis. Ce qui m’intéresse, c’est d’accueillir l’expérience, en gros : vivre ! Tout simplement. 😀

  • Tu pars d’un postulat  » L’amour est en nous  » .
    On apprend par imitation avec nos neurones miroirs. L’enfant qui n’a pas été aimer ne peut pas Savoir aimer  » par essence »
    Si on se réfère à la Bible Adam et Eve ont été créés adultes, ils n’avaient donc pas de modèle pour élever leurs enfants. Ils ont pêché en croquant le fruit défendu. Un mauvais départ pour l’humanité….
    Il faut lire le livre d’Olivier Maurel  » 20 siècles de maltraitance chrétienne des enfants  » pour avoir une vision différente de ce que les historiens raconte. Il y a les faits et l’histoire contée par les historiens à leur guise.

    • Oui, c’est intéressant. Effectivement, ce tu évoques me semble pertinent.

    • Pour savoir aimer quand on n’a pas vu ou vécu l’amour ou plutôt quand on a été dans la négation de l’amour – puisque l’amour est ce qui Est quoiqu’il arrive – Il faut tout oublier, tout accepter.
      Car : chercher à comprendre c’est aussi entretenir la croyance qu’il ya quelque chose à comprendre. ET c’est souvent en fin de compte se maintenir dans une identité de victime et tout le tralala qui va avec .
      Vient un moment où il faut tout accepter. TOUT !
      Vous y êtes Christophe 🙂
      Et revenir à la nature ( brute) telle qu’elle est dans le moment présent. La nature brute c’est aussi notre nature animale selon notre incarnation… avec ses besoins ; manger (et chercher à se nourrir), avoir un « toit », jouer, copuler, dormir, Cela, il ne faut pas non plus l’oublier ou le nier.

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