Une question : face à la maladie, vivre dans l’instant ou se raconter une histoire morbide ?

Une question ?

Une question : face à la maladie, vivre dans l’instant ou se raconter une histoire morbide ?

Une question : face à la maladie, vivre dans l’instant ou se raconter une histoire morbide ? 940 360 Christophe LE BEC

J’ai proposé à ceux qui le souhaitent, de me poser leur question par mail (ou sur Facebook comme c’est le cas aujourd’hui). Dans la mesure où elle me parle et si elle me semble être intéressante pour beaucoup d’entre vous, j’y réponds. Encore une fois, cette réponse n’est pas LA vérité, mais un éclairage. Je parle toujours de ce que je connais. Le sujet de cet article : notre attitude face à la maladie et notre désir de vivre l’instant ou de rêver guérir au risque de plonger dans le désespoir…

Question :

« Bonjour Christophe,
Ton texte « LA VOIE DU CORPS EST LA VOIX DU CORPS » a résonné sur ce que je vis actuellement.
On m’a diagnostiqué il y a un an une polyarthrite rhumatoïde, maladie auto immune qui me limite dans ma mobilité et avec beaucoup de douleurs. Mon corps s’est souvent manifesté, avec de grosses douleurs et est régulièrement immobilisé.
Je le vis autrement maintenant que comme un corps que je rejetais. Je vois aussi mes conditionnements et je vois cet état de Présence qui me ramène à être juste là, en débranchant tout. A accepter ses crises douloureuses comme aujourd’hui.
Malgré tout, il y a la partie en moi qui désire guérir et qui pense qu’elle le peut et qui parfois a ses moments de désespérances.

Peux-tu me dire quelles pistes as-tu emprunté ?
Chaleureusement
S. »

Réponse :

Bonjour S, merci pour cette question. Difficile de te donner un chemin à suivre. Je crois qu’il n’y en a pas. Il n’y a pas de chemin, d’abord parce qu’il n’y a nulle part où aller, mais aussi parce qu’il n’y a rien à changer ou à améliorer en réalité. Je suis moi aussi atteint d’une maladie auto-immune, une maladie rare qui peut t’envoyer au cimetière très rapidement si cela tourne mal. C’est la confrontation avec la possibilité de mourir à très court terme qui a permis de court-circuiter toutes mes habitudes mentales, cette mécanique automatique qui m’enfermait dans le rôle de victime, avec des coupables, des pas de chance, des histoires, etc. Quand vous ne savez pas si vous allez, ne serait-ce que passer la semaine, tout ce qui vous semblait important et dramatique jusqu’ici n’a plus aucune importance. Vos problèmes de boulot, vos rancœurs contre telle ou telle personne, vos douleurs d’enfance, vos rapports avec vos parents, avec vos enfants, votre compagne ou compagnon ; il n’y a plus aucun problème. Cela n’existe tout simplement plus. Il y a juste maintenant. Et très étrangement, dans ce ici et maintenant, je n’éprouvais aucune peur, j’étais triste à l’idée de ne plus voir ma fille, ma compagne, mais je n’avais pas peur, moi qui jusque là avait si peur de la mort.

Lorsque la maladie a été enfin identifiée après une douzaine de jours d’hospitalisation (jusque là les médecins me parlaient de Sida ou de H5N1 dont l’épidémie touchait la France à l’époque) et que le traitement a commencé à fonctionner, ma vie a rapidement repris son cours, avec les mêmes jugements qu’auparavant, les mêmes difficultés relationnelles. Ce n’est que dix ans plus tard que j’ai compris que j’avais vécu une expérience d’éveil. Je n’étais absolument pas à l’écoute de mon corps, encore moins intéressé par tout ce qui touche à la spiritualité.

J’ai connu trois expériences d’éveil, toujours liées à des problème de santé, et chaque fois ma compréhension a été plus poussée. La dernière expérience a été très forte. Alors que je me faisais opérer en ambulatoire de la cataracte, j’ai été victime de la pire complication possible dans cette intervention, une rupture capsulaire du cristallin avec des fragments de cristallin dans le vitré. Entendre le chirurgien après une petite minute d’opération dire « Nous avons un très gros problème ! » n’est pas simple et peut générer de l’angoisse. Mais là encore, c’est tout l’inverse qui s’est produit. Ma seule réaction a été de me dire « Ouais mais là, je ne souffre pas, je ne ressens rien. Le chirurgien est calme. Il y a peut-être un problème, mais il n’y aura peut-être plus aucun problème après. » Ce n’était pas du tout du déni ou une manière de repousser l’angoisse à plus tard, je ressentais totalement que là, tout de suite, dans l’instant, je n’avais pas de problème. Et je me suis senti très détendu, comme libéré du poids du quotidien, de mes problèmes. Au sortir du bloc on m’a expliqué que l’opération de la cataracte était réussie, mais que j’allais être transféré à Brest pour y être opéré en urgence pour réparer les conséquences de cet accident opératoire qui pouvait me faire perdre l’œil droit. Pendant les 48 heures passées à l’hôpital, j’ai retrouvé le même rapport au temps que lors de mon hospitalisation en 2005, avec beaucoup plus de joie, car j’avais depuis lu de nombreux livres sur la non-dualité, vu de nombreuses vidéos d’enseignants spirituels sur Youtube. Ma perception de ce que je vivais était beaucoup plus fine. Je vivais l’instant, j’étais très jovial avec le personnel soignant, j’étais comme amoureux de tout les humains que je croisais. Je les trouvais beaux, gentils, je me sentais très proche d’eux. En fait, je ne voyais plus guère de limites entre moi et eux si bien que j’étais très spontané. Pour te donner un exemple, le chauffeur de l’ambulance qui m’a ramené de Brest à mon domicile est venu chez moi, comme si nous étions de vieux amis. Nous avons parlé énergie et magnétisme, et il s’est proposé de faire une séance à mon vieux chien perclus d’arthrose invalidante. Nous avions en une heure trente de route crée un lien fort entre nous !

Pour revenir à ta demande, je te dirais donc que je n’ai rien fait. J’ai accueilli ce qui m’arrivait sans rien projeter sur la situation, sur moi. Je n’ai pas cherché à comprendre où à trouver des raisons à cet événement. Cela ne sert à rien en réalité. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, car c’est une démarche intéressante. Il est intéressant de comprendre, mais si cela signifie que l’on se raconte une histoire de plus avec des coupables (c’est la faute de maman, de papa, à tel événement dans ma vie), cela n’a aucune utilité pour toi. Comprendre reste une notion mentale, basée sur des idées. Aujourd’hui, je me fous de comprendre.

Si j’ai un conseil à donner, c’est d’avantage une attitude à adopter. Se rendre compte qu’il faut juste accueillir ce que l’on est, tel que l’on est. Sans chercher à changer quoi que ce soit. Pour cela il faut ressentir que l’on ne vit que l’instant présent. Rien d’autre. C’est l’expérience que j’ai vécu. Lorsqu’en 2005 je ne pouvais plus respirer, victime d’une pneumopathie atypique (un des symptômes de la maladie dont je souffre), je n’ai pas cherché à lutter ou à vouloir autre chose. Je l’ai fait sans violence contre moi. Je ne me suis pas dit qu’il fallait que je fasse comme si tout était normal, je l’ai fait naturellement. Je l’ai fait parce que c’était vivre ça ou mourir. Je n’avais pas le choix. Et tout à coup, ce que je vivais m’allait très bien. Je profitais de chaque regard, de la neige qui tombait de l’autre côté de la fenêtre, je profitais du ciel, des lumières qui s’allumaient le soir dans les immeubles au loin. Le monde m’apparut fragile et beau, comme un miracle dont je goûtais chaque instant.

Je sais combien souffrir de douleurs incessantes est difficile à vivre, ça prend la tête. Mais imagine que l’on t’annonce que tu vas mourir dans très peu de temps (et nous allons tous mourir !), tu remarqueras alors que ces douleurs n’auront alors plus aucune importance. Ton attention se portera sur ce que tu vis maintenant. Même si c’est dur à vivre, tu vivras alors chaque seconde avec une intensité dont tu n’as même pas idée. Si tu y réfléchies bien, nous allons tous mourir, simplement nous préférons l’oublier pour faire comme si nous étions immortel. Nous devrions tous, comme à l’approche de notre mort, vivre intensément chaque seconde, au lieu de vivre dans le future ou le passé comme nous avons tendance à le faire. Ici et maintenant, c’est uniquement là que se vit la vie. Et si il y a des douleurs, et bien ne lutte pas contre elles. Donne-leurs le droit d’être là… Et vis !

Tu t’aperçois peut-être que cette simple phrase, « Vis ! » te laisse face à un océan de doutes, de peurs, un grand vide. Vis, cela signifie vis comme tu l’entends vraiment, sois toi-même, ose être celui ou celle que tu es ! Et je peux t’assurer que cette autorisation, cette invitation fait très peur à notre mental !

Mais je te répète simplement et avec beaucoup de douceur : « Vis ! » Fais-toi confiance, fais confiance à la vie que tu es.

Chère S, j’espère que mon témoignage personnel te parlera. En tous les cas, je trouve cette problématique de la maladie très intéressante.

Si vous aussi, vous avez envie de me poser une question et si vous pensez que mon éclairage peut vous être utile, n’hésitez pas à m’adressez-moi un mail ou contactez-moi sur Facebook.

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