Je dois beaucoup aux animaux. C’est un chien caractériel et complexe qui m’a enseigné ce qu’était communier avec un autre être vivant, ce qu’était l’amour véritable, sans attente, sans condition. Il s’appelait Phu Sing. Il a été mon meilleur enseignant de ma naissance jusqu’à mes douze ans. Souvent, je me demande comment j’aurais grandi sans lui et si je serais le même aujourd’hui. Assurément non. Avec lui, j’ai compris que la relation ne se construisait pas dans le temps, pas davantage avec le langage, j’ai compris qu’elle était immédiate et totale et qu’elle était toujours là. Bien plus tard, Thérèse a pris le relais.
Thérèse est une femelle Jack Russel de 16 ans aujourd’hui. Issue d’un élevage en Roumanie, elle a fait un bref passage par la Belgique pour obtenir des papiers présentables et pouvoir être revendue dans l’Union Européenne. Ma compagne l’a achetée dans une boutique à Paris en 2001. Thérèse a été retirée bien trop tôt à sa mère. Mal socialisée, mal traitée, ultra craintive, elle est une boule d’émotions sur quatre pattes. Incapable de comprendre les messages de ses congénères, je suis son seul repère. Un bruit et elle me cherche du regard pour se rassurer. Mais un seul geste de ma part mal interprété et elle me mord immédiatement. Évoquer Thérèse fait instantanément monter l’émotion en moi. Je suis conscient que bientôt elle va partir. Elle est aujourd’hui très diminuée, elle ne peut plus marcher et elle est atteinte de sénilité, je dois deviner quand elle veut faire ses besoins, prendre le soleil dehors ou bien boire dans sa gamelle. Je suis le seul à pouvoir la porter sans qu’elle ne morde. Malgré tout, elle vit. Elle ne marche plus, mais elle ne pense rien de son état. Elle ne marche plus, c’est un fait. Point. Elle apprécie toujours de manger, elle est toujours autant attirée par l’activité des chats, même si elle ne peut plus leur courir après, et elle adore dormir en plein soleil. Je ne ressens jamais le moindre agacement ni lassitude de devoir l’assister. C’est comme ça entre nous, sans jugement, sans attente. Notre relation est purement énergétique. Et j’adore cela. Voilà pour les présentations !
Le chien est un maître
Le chien est un paradoxe ambulant. En effet, il ne vit que dans l’instant, il n’éprouve aucun besoin de nommer les choses, de se projeter dans un avenir, il partage la même « conscience » que tous ses congénères avant lui et même après lui. En cela, il est un exemple pour nous qui partageons son quotidien. Et en même temps, le chien est semblable à notre mental. Ainsi, le chien s’agite pour attirer votre attention lorsqu’il veut aller en promenade. Il va planter son regard dans le votre en remuant la queue frénétiquement à côté de vous, tout tendu. Si vous ne réagissez pas, il va aller mordre un coussin ou sauter devant la porte, aller chercher une balle pour la laisser tomber devant vous, aboyer un coup en vous fixant pour vous forcer à le regarder. Comme votre mental, il cherche à vous distraire. Il a besoin de votre attention pour exister. Sans vous, il meurt. En cela il est une invitation à voir comment fonctionne notre mental.
Il ne sert à rien de résister à l’expérience, de la refuser. Bien au contraire. Allez vous promener avec votre chien à la plage, en forêt ou dans les rues de votre quartier. Ne cherchez pas à contrôler votre chien/mental. Laissez-le courir, arpenter la colline à la recherche de gibier, courir avec un bâton ou sauter dans une mare à l’eau saumâtre, laissez-le tirer sur la laisse si vous êtes en ville. S’il ne veut pas vous obéir au moment de rentrer à la maison, trop occupé à suivre la piste des lapins, laissez-le à son excitation, ne rentrez pas dans son jeu. Lorsque vous ouvrirez la porte de chez vous, vous le verrez rappliquer, comme sorti de nul part. Il sait où est la maison. Il ira se coucher tranquillement dans son panier au pied du feu dès qu’il vous verra au calme dans votre fauteuil.
Retourner à la maison
Si vous ne jouez pas le jeu du mental, alors le mental, comme votre chien, ira se poser. Il aspire comme vous à la paix et au silence intérieur. Finalement, le chien symbolise assez bien le paradoxe qui nous habite. Nous faisons l’expérience de la séparation, des objets et des pensées. Nous nous identifions au corps, aux pensées et aux émotions en faisant l’expérience du monde qui nous entoure. Mais cette expérience de séparation est une illusion. Cherchez d’où surgissent les pensées ? Penser est processus qui apparaît dans un espace en nous, vide d’objets mais plein de la conscience pure. Nous sommes le calme ou naît le bruit. Comment pourrions-nous prendre conscience du calme sans le bruit ? Le chien est le bruit et l’excitation, il est aussi en contact direct avec cette énergie à laquelle nous sommes tous reliés : la conscience pure, les animaux, les végétaux, comme les êtres humains. Personnellement, je situe cette conscience pure dans le cœur, dans l’espace du cœur. Car c’est en nous reliant à cet espace, cet océan du cœur que nous pensons lorsque nous acceptons d’être nous-même et non plus le personnage que nous croyons être. Lorsque c’est léger, doux, lorsque ça vibre agréablement dans notre cœur, nous savons immédiatement que cela est juste et vrai pour nous. Là est notre véritable nature.
Et le chien est notre meilleur ami pour faire un premier pas vers la conscience, cet espace sans mot ou tout est énergie, où le temps n’existe pas…
Mise à jour : Thérèse est morte le 19 janvier 2019 à 17 ans et 3 mois, soit exactement 6300 jours passés côté à côte.
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Les animaux et moi…