Le langage définit un certain réel

Si je parle habituellement de développement personnel sur ce site, il me semble que le langage, la manière dont je le pratique, conditionne pour beaucoup ma perception du monde, ce que je pense et ce que je crois. Le langage me parait tenir une place prépondérante au cœur du développement humain…

Le langage définit un certain réel

Le langage définit un certain réel 940 360 Christophe LE BEC

Dieu sait si j’aime les mots ! Les mots occupent une place centrale dans ma vie. Je vis de l’écriture depuis que j’ai 22 ans, avec plus ou moins de bonheur, plus ou moins de réussite. J’ai appris à les connaître, à les aimer, mais aussi à m’en méfier, car il arrive aux mots de mentir parfois… mais jamais de leur plein gré ! Si je parle habituellement de développement personnel sur ce site, il me semble que le langage, la manière dont je le pratique, conditionne pour beaucoup ma perception du monde, ce que je pense et ce que je crois. J’ai toujours le choix de mes mots, Je peux à chaque instant choisir comment j’entends exprimer ma pensée. Le langage me parait donc tenir une place prépondérante au cœur du développement humain…

Le langage

La naissance du langage et des mots qui le constituent ne tient pas à un heureux hasard. Le langage répond à un besoin humain essentiel : communiquer, faire des demandes, rencontrer l’autre, désigner les choses et les idées.

Le langage se compose d’une série de codifications graphiques et sonores qui permettent de déposer une pensée ou des histoires sur le papier, ou de permettre à deux êtres d’échanger des idées, des pensées construites. Ainsi naquit le langage ! Mais si l’enfant apprend dès son plus jeune âge à parler, puis à lire et écrire, il n’apprend pas comment utiliser le langage de façon vertueuse, j’entends par là d’une façon respectueuse pour soi et pour l’autre… Et dans les temps actuels où des tensions très fortes agitent la société, je constate la difficulté pour chacun de pourvoir communiquer sans recevoir un flot de jugements désobligeants.

Mais pourquoi communiquer semble si difficile et se révèle parfois impossible ?

Le langage n’a rien à voir avec le réel

Il me semble important de le rappeler en préambule. Le mot table par exemple compte 5 lettres qui, assemblées dans un certain ordre, désignent un truc en bois, en fer ou en tout autre matériaux « composé d’une surface plane et horizontale destinée à être posée sur un ou plusieurs pieds, tréteaux ou supports. Dans la culture occidentale, entre autres usages, on peut l’utiliser pour les repas. » Voilà pour la définition qu’en donne Wikipedia. Pour autant, on ne peut pas considérer que cet objet « est »… une table. Bref, le mot table « n’est » pas une table ! Il s’agit juste d’un mot. Je mets à dessein des guillemets autour du verbe « être » car, vous le comprendrez plus loin, j’ai un soucis avec l’emploi de ce verbe !

Le mot « table » n’a de sens que si on comprend qu’il s’agit d’une simple convention pour faciliter les échanges. De la même manière, je m’appelle Christophe ne signifie pas que « je suis Christophe ». Dans « Christophe », il n’y a que qu’une suite de lettres qui dites oralement forment des sons et qui écrites forment un simple mot. Christophe « n’est » pas une identité, juste une étiquette collé sur mon front.

Pour résumer, il ne faut pas confondre le mot et ce qu’il désigne.

Le monde que l’on perçoit

En réalité, l’enfant apprend à obéir aux règles de ses parents et de la société à travers le langage. « Tu es sage », « Tu n’es pas gentil », « Un garçon ne pleure pas, tu dois être fort.. » Ainsi, petit à petit, le langage façonne mon identité et décrit le monde que je perçois selon des codes que je finis par confondre avec la réalité : « ceci est une table ! ».

j’ai l’impression de penser le monde et de le définir par moi-même, mais en réalité, le peu de mots et le manque de souplesse du langage ne permet de traduire ce que je perçois réellement avec les mots. Au final, chacun s’exprime avec un langage qui simplifie, qui réduit nos perceptions à un code commun !

Par exemple « Je suis un garçon » ne rend absolument pas compte de ce qui fait de moi un être singulier ! « Je suis un garçon » me semble une manière de résumer ce que je suis à une représentation simple. De fait je me sens assez féminin comme garçon ! « Je suis rigolo » n’a guère plus de sens. Rigolo, c’est-à-dire ? Rigolo ça veut tout et rien dire du tout, tant cela répond à des critères subjectifs. « Je suis rigolo » pour toi, mais pas du tout pour lui. Alors ? Que faire de cette apparente vérité ? Et surtout, pourquoi s’entêter à prétendre que ceci « est »… moche, beau, bien, mieux, moins bien, idiot alors qu’il n’y a aucune vérité absolue en la matière, juste des points de vues différents ?

L’incompréhension

Les humains utilisent les mêmes mots pour définir/juger des choses, des pensées ou des personnes, alors qu’en réalité chaque humain les voit de façons très différentes. Ainsi, je peux sembler totalement d’accord en théorie avec une autre personne (puisque nous utilisons les mêmes mots) et nous révéler pas du tout sur la même longueur d’onde une fois que l’on met les mots en pratique. Par exemple : « Je suis écologiste » peut s’entendre de bien des manières. Il n’y a pas deux écologistes pareils. Il y a des nuances, voire de vraies oppositions qui font que deux personnes qui se revendiquent écologistes peuvent se demander comment l’autre peut se prétendre écologiste ! Cette incompréhension rend la rencontre avec l’autre souvent difficile.

Écouter

Pour pouvoir entendre l’autre, encore faut-il écouter ce qu’il dit. Or dans mon expérience, je remarque qu’il s’avère difficile d’écouter vraiment les autres, j’entends par là écouter sans a priori, en se sentant vide de tout savoir sur la question. Lors d’une discussion avec deux points de vues très différents, je peux tout à fait écouter l’autre poliment, mais sans jamais avoir la moindre intention de changer d’avis. En guise de dialogue, nous avons donc souvent droit à deux tunnels de paroles parallèles de qui ne rencontrent jamais, un vrai dialogue de sourds.

Savoir

Je remarque que bien souvent le langage s’utilise comme une arme de destruction, ou une arme de propagande. Je veux soit vaincre l’autre et le faire taire, qu’il n’ose plus dire ce qu’il dit, soit le convaincre de changer d’avis. Cela provient du fait que chacun à tendance à croire que le monde tel qu’il le perçoit « est » le vrai monde. Cette absolue certitude de savoir la vérité me semble un poison relationnel. Il me semble facile de comprendre qu’à partir du moment ou « Je sais », il va s’avérer compliqué de changer d’avis. Il n’y a aucune ouverture dans ce « Je sais ».

La vérité

Ce que je prends pour vrai repose sur mon histoire, ma culture, mes apprentissages. Ce qui m’apparaît comme la vérité aura l’odeur d’un mensonge pour un autre. Je confonds simplement point de vue et vérité.

Parler de son expérience directe

Parler de son expérience personnelle, parler en son nom, permet de remédier à ce problème de langage. Parler en « Je » et non au nom d’un groupe permet d’éviter aussi les accusations sur les autres. Cela évite les « Nous on pense que, on est, on dit… », les « Ils pensent que… », « Ils sont comme ceci ou comme cela ». Cette pratique consciente du langage n’a rien d ‘évident, il faut accepter de se prendre régulièrement les pieds dans le tapis.

Lorsque je parle de mon expérience directe, je peux alors apporter quelque chose dans la discussion, le mettre au centre. Ce que j’apporte peut enrichir le propos. Lorsque je dis : « je trouve ce propos violent », je ne prétends pas qu’il s’agit d’une vérité. Il s’agit juste d’un ressenti.

Le fait de ne parler qu’à partir de son ressenti personnel et de son expérience n’engage que celui qui s’y adonne. Rien n’empêche le ou les autres intervenants de vous répondre en faisant des généralités et/ou en assénant leurs points de vues comme s’il s’agissait de vérités.

Faire du langage un outil de communication et non une arme s’apprend

Je vous rassure, je dis cela aujourd’hui après avoir beaucoup combattu. Au petit jeu des mots et de la controverse, je m’y entendais comme personne pour retourner les autres, les amener face à leurs contradictions et ainsi leur couper le sifflet. Parler pour gagner casse la relation. Et je n’ai rien d’un expert, je me surprends encore souvent à parler des autres ou en leur nom ! Et quand je m’en rends compte, je prends une grande respiration pour faire le silence en moi, et je constate que j’ai une fois encore voulu avoir raison. Je ne vais pas me fouetter pour autant, mais je ne m’enferme plus dans ma conviction.

Être sans le verbe être

Cela fait environ deux ans que j’ai entrepris de ne plus utiliser le verbe « être ». Il n’apparaît (presque) plus dans mes textes (sauf dans celui-ci, car pour « dénoncer » son usage, il fallait bien le mettre en scène dans certaines formules utilisées comme exemples). J’ai fait ce choix au départ, presque comme un défi après avoir lu les textes de Jean-François Noubel, un chercheur qui travaille sur l’intelligence collective dont le parcours personnel et l’approche m’ont enthousiasmé. Comme lui, j’essaie de m’exprimer dorénavant en F-prime, un sous-ensemble de la langue française qui exclut toutes les formes du verbe « être ». S’exprimer en F-prime permet de communiquer son expérience personnelle plutôt que son jugement. Par exemple, « ce tableau est beau » devient « j’aime ce tableau » ou « cette blague est nulle » peut devenir « je trouve que cette blague divise les gens. »

Vous devinez aisément que la première formulation peut crisper celui qui pense que « ce tableau est moche ! ». La seconde formulation invite au contraire à en savoir plus. La première réduit le monde à une option, la seconde permet le questionnement et ouvre à la rencontre.

Le langage a conditionné les humains à prendre de simples points de vues pour des vérités. Aujourd’hui, lorsque je vois le verbe être dans un de mes textes, il me dérange immédiatement, je vois à quel point cette facilité de langage ne traduit pas ma pensée, mais la réduit.

Parler des autres

Lorsque je parle de mon expérience directe, lorsque je parle en « je » et que je n’utilise pas le verbe être, alors je remarque que je ne parle plus des autres. Je parle aux autres de ce que je perçois, mais pas de ce qu’ils sont.

Si vous avez remarquez que dans un échange avec une relation, on parle de vous avec des mots qui vous définissent (« Tu es parano », « tu es dans ton mental », « Tu es naïf », « tu ne comprends rien »), alors sachez que votre interlocuteur ne vous a pas vu, pas entendu.

Il n’y a aucune rencontre possible lorsque je définis l’autre. J’en sais quelque chose, je n’ai aucune leçon à donner. Ma belle-fille pourrait écrire un roman sur les définitions nombreuses et désobligeantes que j’ai collé sur elle pendant son enfance.

Conclusion

Rassurez-vous ! Celui qui parle de vous en réalité ne parle que de ce qu’il croit. Il colle sur vous ses propres pensées. Il parle en fait de comment il vous voit et quoiqu’il en pense cela n’a rien d’une vérité. Il s’agit juste d’un point de vue.

Si vous aussi, vous avez envie d’expérimenter la communication en F-prime, vous verrez rapidement que vous ne vous sentirez plus blessé(e) par ce type de propos. Vous ressentirez de la déception ou de la tristesse de ne pas avoir pu partager votre voix, mais vous ne vous identifierez plus aux jugements portés sur vous.

Vous vous trouverez parfois dans l’obligation de rappeler fermement à certains, de vive voix ou par l’intermédiaire d’un texte, que le fait que vous pensiez différemment d’eux ne les autorise pas à vous juger ni à vous définir. Cela n’a rien d’agréable, mais vous n’y couperez pas.

Vous verrez aussi à quel point le fait de devoir se réapproprier la pensée, de la développer à partir d’un ressenti et non d’une croyance va affiner vos idées qui se développent alors avec beaucoup plus d’aisance et de tranquillité. Vous vous surprendrez également à employer de plus en plus souvent la formule « je ne sais pas. » Lorsqu’on parle de ce que l’on connaît, de son expérience personnelle, ça devient vite inévitable.

Et quel soulagement de savoir qu’on ne sait pas !

Christophe LE BEC

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