L’accélération et les réseaux sociaux

Facebook et la vie n’ont, me semble-t-il, rien à voir. Facebook à avoir avec le monde, avec la vitesse, la recherche avide de satisfaction et de reconnaissance narcissique, avec la peur aussi du coup.
Le temps n'est pas linéaire, mais vertical

L’accélération et les réseaux sociaux

L’accélération et les réseaux sociaux 1280 851 Christophe LE BEC

Facebook ne reflète pas la réalité dans laquelle je vis. La réalité dans laquelle je vis s’avère bien plus lente, tranquille et sans trop de bruit ni trop de lumières.

La seule agitation que je constate défile sur l’écran de mon ordinateur. L’agitation, je contribue à la nourrir sur les réseaux sociaux en publiant mes points de vue à partir de ce que Facebook, YouTube ou Twitter, me proposent de voir. Ce que je vois sur les réseaux ne dit rien du réel, mais me parle de centres d’intérêts électifs et d’incitations pavloviennes à cliquer. Pouce levé, pouce baissé, un jugement habile par-ci ou une saillie drôlatique par là. J’ai conscience de ma responsabilité là-dedans. Et quelque part, je le paye lorsque je reçois des commentaires que je trouve désobligeant. Et j’en reçois mon compte. Comme beaucoup je suppose.

Sortir des réseaux sociaux

Lorsque je lève le nez de l’ordinateur pour aller faire du feu, ou dès que je passe le seuil de la porte de la maison au petit matin avec les chiens et que je ressens le froid piquer mes oreilles, que l’odeur de la terre mouillée emplit mes narines, je reviens instantanément à la vie brute, sans filtre, et au silence à l’intérieur de moi. Ça se fait tout seul, ça se fait sans moi. Je redeviens la pluie qui tombe en gouttes lourdes et fraîches depuis les feuilles des arbres, je sens que je fais un avec les chiens qui suivent une piste la truffe collée dans les sentes et les chemins creux. J’ai le sentiment de faire corps avec la forêt, le vent ou le brouillard. Facebook n’existe pas dans la forêt et dans la lande des Monts d’Arrée. L’accélération n’a pas encore de prise sur les arbres.

Le temps

Ici, le temps ne semble pas linéaire, mais vertical. Le temps prend la forme du chêne que je préfère en bordure du chemin et dont les branches se déploient avec majesté et une puissance incroyable vers le ciel, il a l’épaisseur de la mousse verte et moelleuse qui habille les pierres bordant les chemins creux du village. Le temps qui se lit sur les visages des vieux à travers la taille de leurs rides en dit bien plus qu’un chiffre indiqué sur une carte d’identité.

La vie et le monde

Facebook et la vie n’ont, me semble-t-il, rien à voir. Facebook à avoir avec le monde, avec la vitesse, la recherche avide de satisfaction et de reconnaissance narcissique, avec la peur aussi du coup. Facebook défile ses publications en temps réel, un flux ininterrompu décidé par un algorithme dont je ne contrôle rien et qui m’abreuve de ce que je connais déjà, qui met en avant ce qui peut me faire réagir. En continue, une diarrhée de photos de vacances et de barbecues faites par des inconnu(e)s, de vidéos de chatons, de chutes improbables, de vomis dans des grands huit aux quatre coins du monde, de citations dont l’origine n’a rien de garanti. L’actualité vient accélérer encore le flux. Les incendies en Australie, la fonte du permafrost en Russie, des inondations ici ou là, chaque saison a son gagnant qui truste les fils d’actualité.

Le réel et les opinions

Les publications pro et anti vaccination qui se partagent et se repartagent des centaines de milliers de fois depuis deux ans au rythme des décisions politiques, des prises de positions de médecins, et qui affirment tout savoir de la situation, ne disent rien du réel. Elles ne parlent que de ceux qui les portent. Elles parlent de notre arrogance ou de nos peurs, de nos interrogations légitimes ou de nos croyances intimes. Et dans ce bazar de slogans souvent sans queue ni tête, la pensée devient interdite de séjour. La nuance se perd. Pire, la nuance devient une provocation ! Ça n’en finit plus, pour le plus grand bénéfice de Facebook et des réseaux sociaux.

S’arrêter et vivre

Le covid-19 a permis de stopper l’économie. Il a suffit d’une décision pour que les voitures, les avions, et nous les humains (du moins ceux dont le travail n’a rien d’essentiel) cessent de courir après le temps l’espace de 3 mois à partir de mars 2020. On a enfin pu redécouvrir que le silence ne se résume pas au vide. Il y a le chant des oiseaux et le bruissement des feuilles dans les arbres, le chuchotement des ruisseaux. Les chevreuils rentraient dans les villes, curieux, même les dauphins avaient retrouvé le chemin des canaux de Venise. La vie redevint simplement visible, la vie redevint juste… normale. Plus de voiture pour abolir le temps et les distances. On a donc pris le temps de cuisiner, de faire son pain soi-même, de lire, de se parler, de s’occuper de ses enfants, de dormir, de fabriquer, de créer. Pendant cette parenthèse enchantée, nous avons, collectivement, retrouvé le rythme réel du temps.

J’espère que l’empreinte de ce confinement aura un effet bénéfique. La vie et la vérité se rencontrent à l’intérieur de soi. Sur Facebook, on les rencontre uniquement dans les interstices et les recoins de l’algorithme…

Christophe LE BEC

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