Je trouve assez captivant le jeu des réactions humaines autour de la crise sanitaire que le Coronavirus a déclenché en quelques semaines. Une figure s’est imposée dans les médias : Didier Raoult, infectiologue et professeur de microbiologie français, spécialiste des maladies infectieuses tropicales émergentes à la faculté de médecine de l’université d’Aix-Marseille et à l’IHU Méditerranée Infection dont il est le fondateur. Il promeut une solution iconoclaste qui va à l’encontre des recommandations du gouvernement et des autorités médicales : un traitement associant la chloroquine et un antibiotique.
Avant-propos
Je n’ai aucune compétence scientifique, et donc aucun avis intéressant à proposer sur le traitement le plus approprié à prescrire pour guérir du Covid-19. Aucun ! Je m’en remets aux spécialistes. J’écoute les recommandations. Que puis-je faire d’autre ?
Je m’intéresse uniquement à l’humain, aux réactions que suscite la position extrêmement forte prise par Didier Raoult, chez les médecins, comme chez les citoyens, et aussi la versatilité tempétueuse des courants de pensée qui agitent les réseaux sociaux.
Le confinement
Le gouvernement a opté début mars 2020 pour une solution radicale pour tenter d’endiguer l’épidémie : le confinement des français chez eux. Ce choix fort a rapidement suscité l’adhésion d’une bonne partie des français, et la colère de certains citoyens qui y ont vu un recul inacceptable des libertés fondamentales.
Une gestion de la pénurie
Au fil des jours, une question a émergé dans les médias. En Corée, en Allemagne, les dépistages sont nettement plus nombreux (4000 dépistages par jour en France contre 160 000 dépistages par semaine en Allemagne), le nombre de décès également beaucoup moins nombreux dans ces pays. Pourquoi ? Pourquoi de tels écarts ? Et pourquoi s’entêter dans la voie du confienement ?
Le confinement semble, à priori, un choix cohérent pour stopper la progression de l’épidémie ; mais lorsqu’on découvre la pénurie de masques chirurgicaux et FFP2, de gants et le manque de tests disponibles, on devine alors que le confinement s’avère peut-être aussi une solution par défaut face à la pénurie des matériels de protection et à l’impréparation du système de santé. Le discours des autorités est-il dicté par la pénurie ou par la recherche de la meilleure solution possible en termes de santé publique ?
C’est simple !
C’est dans ce contexte qu’intervient Didier Raoult. Crinière au vent, grande gueule, Didier Raoult a mis les pieds dans le plat. Face aux choix du gouvernement et des autorités médicales, il a posé les questions qui fâchent et proposé des réponses très argumentées. En tant que simple citoyen, je n’ai pas la capacité d’avoir un avis éclairé. Je constate simplement que sa carrière, sa confiance en lui et ses certitudes ont rapidement retourné l’opinion public.
C’est Didier qui l’a dit !
Que dit Didier Raoult ? Il dit que nous sommes face à une crise inconnue, et que la réponse ne peut pas être celle appliquée en temps normal. Il dit avoir un traitement qui marche (validée sur 24 patients seulement) et qui a aussi été appliqué par la Chine. Sa réponse se veut pragmatique et non dogmatique. Il se place en homme de sciences qui se dresse face à l’inertie des habitudes, face aussi à la morgue des « sachants » (les pontes hospitaliers) qui se crispent lorsque les règles se trouvent tout à coup questionnées, voire lorsque elles sont carrément récusées par certains dans la situation actuelle.
Une question de confiance
Raoult attire à lui, sans doute parce que les gens voient en lui une sorte de messie, de sauveur. Je ne sais pas, j’ai peur, et voilà quelqu’un qui me dit : voici la solution, c’est simple. On voit clairement que la majorité des gens cherche avant tout une réponse à la peur. Beaucoup de gens ont l’air d’avoir confiance en la réponse de ce médecin, mais sur quels motifs font-ils tout à coup confiance à un type dont ils n’avaient jamais entendu parler il y a 15 jours ?
La confiance ne doit évidemment rien à une analyse scientifique du traitement proposé par Raoult, nous, opinion publique, n’y connaissons rien ! Plus prosaïquement, on comprend que la confiance et la certitude de ce médecin génère un apaisement chez ceux qui l’écoutent. Pourtant, cette raison ne peut pas, de mon point de vue, suffire à expliquer une telle confiance.
La langue de bois et la vérité
Le discours de Didier Raoult vient questionner le système et fustige la « dictature morale » des méthodologistes et leurs « réflexions purement mathématiques ». D’une voix très forte, ce professeur reconnu mondialement affirme vouloir apporter une réponse de médecin et non gérer une pénurie. Il veut soigner et demande aux dirigeants de lui donner les moyens de le faire. Lorsque Didier Raoult dit que refuser de tester les gens revient à refuser de diagnostiquer une maladie, et juge cette attitude contraire à son éthique de médecin, ce langage là touche tout de suite les gens car il a raison.
Face à lui, le système se montre incapable de s’adapter à la réalité du terrain. Il oppose ses process de validation scientifique habituels. Pour expliquer sa position, l’autorité médicale agite le respect des règles, le danger de ce médicament, le fait qu’il aurait été testé in vitro uniquement.
Traitement
Hors ce traitement n’a rien de nouveau. Le Plaquenil s’emploie depuis des décennies pour la polyarthrite rhumatoïde, le lupus, etc. La nivaquine, autre dérivé de la chloroquine, est prescrite à tous les voyageurs qui se rendent en Afrique depuis des années. La chloroquine fut même déjà employée sur le coronavirus en 2003 je crois. Les problèmes cardiovasculaires que le traitement peut occasionner sont connus. Si ce traitement est donné dans un cadre hospitalier, le risque est très faible, surtout pour un traitement de 10 jours (à vie pour un lupus ou une polyarthrite).
Des voix s’élèvent
Le professeur Christian Perronne, chef du service en infectiologie à l’hôpital de Garche a fait part de son indignation le 24 mars. Il reconnaît que le Plaquenil est « le seul traitement à ce jour qui a une efficacité démontrée. Ce n’est peut-être pas le médicament miracle, mais on a rien d’autre », dit-il. Il lui paraît impossible de ne pas le donner aux patients qui sont en insuffisance respiratoire. L’urgentiste Patrick Pelloux dit la même chose.
Christian Perronne s’étonne du double discours du monde médical. Les médecins disent qu’il ne faut pas l’utiliser, que ce traitement peut se révéler dangereux, mais dans le même temps, le stock de Plaquenil de la pharmacie centrale de l’APHP (Hôpitaux de Paris) a été littéralement pillé par des médecins !
Le système refuse de se désavouer, de changer, de s’adapter, quitte à voir des gens mourir.
Bill Gates
Il y a cinq ans déjà, Bill Gates avait prévu la faiblesse du système mondialisé en cas de pandémie. Le coronavirus révèle la fragilité d’une société néo-libérale, basée sur la croissance économique pour générer toujours plus de profits. Ce système globalisé montre ses limites, son extrême fragilité. Nous sommes soumis aux lois du marché, tous autant que nous sommes, les perdants du systèmes autant que les gagnants. La rationalisation maximum de l’économie a rendu l’humanité dépendante du système. Si la Chine tousse, nous n’avons plus d’usines qui tournent ! Si l’Espagne tousse nous n’avons plus de tomates dans les supermarchés en hiver !
S’arrêter pour repenser le monde
Ca tombe bien, nous voilà contraints collectivement à l’arrêt. Le 25 mars 2020 (date d’écriture de cet article) pas moins de trois milliards d’êtres humains étaient confinés chez eux ! Une première dans l’histoire humaine ! Alors, tous autant que nous sommes, profitons de ce moment, de cet arrêt du monde, pour écouter les oiseaux chanter. Ils ont peut-être des choses à nous dire !
Il nous revient de repenser le monde dans lequel nous voulons vivre. D’autres pandémies vont nous tomber dessus à l’avenir, ainsi que des catastrophes écologiques.
Les médecins doivent s’accorder sur les priorités, leur dévouement et leur sens du sacrifice ne sont pas en cause, mais leur manière de répondre au besoin de traitement, oui ! Ce que disent de plus en plus de médecins doit être entendu.
Investir sa place
Chacun de nous, dans son domaine de compétences, doit aussi s’interroger sur l’impact de sa vie sur la planète, sur les conséquences de son mode de vie, sur ce qu’il veut vivre à l’avenir, sur pourquoi et comment il travaille. Mais d’abord, il convient de se taire, de laisser la vie nous traverser et agir en soi. Ne cherchez pas LA réponse, laissez venir. Faites confiance au processus. Le vide et le silence permettent de se rencontrer, sans toutes les histoires qu’on a l’habitude de se raconter. La vie nous offre du temps.
J’ai l’espoir que cette pandémie aura aussi des conséquences positives. Car rien n’est jamais totalement mauvais. Il y a du bon derrière toute chose, même la pire des choses en apparence.