Plus de mot

L’emploi des mots limite l’expérience que nous vivons aux définitions que nous en avons. Ils nous dictent le monde que nous voyons, un monde limité et illusoire.

Plus de mot

Plus de mot 940 360 Christophe LE BEC

Le titre paraît ambigu pour peu qu’on le lise rapidement, « Plus de mot » signifie le contraire de « plus de mots ». À une lettre près, on y perd son latin !

Les mots ont pour moi la douceur des madeleines de Proust. Je les aime, je les dévore, je les chante, et je les vomis aussi parfois. Avec le temps, j’ai appris à ne plus les croire sur parole. J’ai même finis un temps par m’en méfier. Aujourd’hui, je les regarde pour ce qu’ils sont : des mots.

Le langage

Le langage nous permet de communiquer à travers un système constitué de signaux vocaux et graphiques. Une table, une chaise, un câlin, un chien, je vais dormir dans ma chambre. Pratique ! Les sons forment des mots qui permettent de communiquer, de s’entendre sur ce qui est là. On voit que si le langage parvient efficacement à nommer un objet dans sa fonction, dès lors qu’il s’agit de préciser sa qualité en y apposant un adjectif, les choses se compliquent. La table est belle, moche, elle est trop petite, de mauvaise qualité, solide. Qui détermine les critères qui font qu’une table paraît belle ou laide, qu’une table semble solide ou fragile ? Et cela se complique encore sacrément lorsque nous tentons de traduire nos émotions et le monde tel que nous le voyons. Par exemple, comment définir la gentillesse, la malhonnêteté ou la souffrance ? À partir de quand cesse-t-on de se comporter gentiment ? Quelle critères définissent une personne riche ou pauvre, ou souffrante ? Chacun imagine que ce qu’il perçoit ou comprend est LA réalité. Et cette réalité, évidemment, doit s’imposer à toutes et tous. Si d’aucun prétend que les choses sont autrement, c’est donc qu’il est con, mal intentionné, menteur, égoïste, pas sur la même planète, et j’en passe. Le JE se voit comme le centre du monde. Et il l’est. Nous sommes tous, en tant que personne, le centre de notre monde. Et nous utilisons tous les mêmes mots, les mêmes concepts pour nous parler sans jamais nous comprendre vraiment…

L’emploi des mots limite l’expérience que nous vivons aux définitions que nous en avons. Ils nous dictent le monde que nous voyons, un monde limité et illusoire. Exemple : Est-ce que je suis un garçon si je n’y pense pas, si je ne me définis pas dans l’instant ? Si le mot garçon n’existait pas, que serais-je, là, maintenant ? Le mot garçon implique un tas d’idées et de comportements sociaux ancrés dans notre inconscient collectif : un garçon ne pleure pas, un garçon c’est fort, ça joue au foot, etc. Qu’en serait-il si je ne savais pas que je suis un garçon ? Quel être humain serais-je ? Vous semblez « maigre », « gros », « solitaire », « drôle », « cérébral », « en colère », autant d’adjectifs qui induisent autant de limites qui vous enferment dans un rôle, un personnage que vous n’êtes absolument pas si vous ne vous collez pas d’étiquette !

Et plus on « affine » sa pensée en cherchant à singulariser son propos, plus on s’identifie à ses pensées, à ses mots, plus on crée des murs « élevés » entre soi et la vie, entre soi et les autres. Plus on communique avec des mots, plus on limite l’expérience, moins on se sent libre de simplement Être ! Un comble.

Le silence est d’or

Mais si dans l’instant, je prends quelques respirations profondes, et si je m’en tiens à simplement rester là, dans le silence, sans mot ni définition, sans juger ce que je ressens présentement parce que je sais que ces histoires m’enferment dans un monde de peurs et de contrôle, un calme serein s’installe doucement. Une douce pesanteur me fait descendre dans mon cœur. Prenez le temps pour cela. Il vous suffit de laissez faire. Il n’y a plus personne pour penser. L’illusion du monde s’effondre. L’émotion qui émerge des profondeurs peut alors se déployer, se répandre en moi, je la laisse prendre tout l’espace qu’elle veut. Sans mot, sans pensée, il n’y a plus aucune attente, aucun but. Juste se laisser habiter. Sans mot pour la qualifier, cette énergie n’a aucune connotation positive ou négative, ou culpabilisante. L’émotion, ne me paraît plus chargée de peur ou de colère, de tristesse ou de joie, je peux la voir pour ce qu’elle est réellement, l’énergie de la vie, énorme, vivifiante ; l’énergie créatrice de l’amour qui fait les fleurs, le vent, l’air, la pluie et le soleil.

Cette énergie qui n’a pas de de forme définie évolue, grossit, expansive, et se contracte parfois. Lorsque que je me laisse porter par l’élan de cette énergie, j’ai de nouveau trois ans. Je n’ai pas de pensée sur ce qui doit ou devrait être, sur ce que je devrais faire ou dire pour être une personne digne d’être aimée. Rien de cela n’existe. Pas même le temps ou l’espace.

Alors, il arrivera ce qui arrivera. Cela s’appelle la vie.

Christophe LE BEC

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